Pressés d’en découdre avec le vent, deux étudiants bordelais, Florian Couillaud et Quentin César Desforges, sont partis sur l’île d’Oléron construire un char à voile en un temps record.
Vingt sur vingt, c’est la note, exceptionnelle, qu’a obtenue Florian, étudiant en licence professionnelle de design pour son mémoire de fin d’année à l’université de Bordeaux III. Une note qui lui a valu d’être major de sa promotion. Présenté sur un thème libre, son travail portait sur la conception d’un char à voile. De la théorie à la pratique il n’y a qu’un pas, que le jeune homme a franchi avec l’aide de son meilleur ami, Quentin. Il a donc réalisé l’engin imaginé en cours. Et il a souhaité en faire profiter les lecteurs du magazine : « Pour continuer dans l’axe de notre projet, nous voulions participer au concours et même, pourquoi pas, être publiés un jour dans Système D. » Pari gagné ! Le char à voile est construit, puis testé sur les grandes plages venteuses de l’île d’Oléron.
La construction s’effectue sur la base du travail de conception réalisé par Florian. Le cahier des charges est détaillé : l’engin dispose de deux places, il est fiable, résistant, transportable, sécurisé avec une garde au sol et un poids minimum. En outre, il nécessite un minimum de compétences en soudure. Le budget est serré, comme il se doit pour des étudiants ; les matériaux de récupération sont donc largement mis à contribution. À commencer par les roues et les essieux du vieux char à voile des parents, prélevés sur une remorque ! Même provenance pour les sièges, que la famille a récupéré dans un bar. Quant aux barres métalliques utilisées pour la structure, elles sortent d’un chantier de démolition. Au final, la fabrication a coûté 80 € ! Autre défi important pour notre jeune lecteur : la durée de réalisation. « Notre objectif était de construire le char le plus rapidement possible, pour avoir le temps de réaliser les essais et de rectifier les éventuels problèmes. » Il leur a fallu quatre jours, avec un bon outillage et quelques essais pour peaufiner tous les réglages.
Après des recherches et des tests, les dimensions du châssis sont définies : « 140 cm hors roues, c’est la largeur qu’avait retenue mes parents. » Les barres métalliques en acier galvanisé de 80 x 40 mm destinées à la structure sont creuses : « Pour éviter que l’eau et le sable n’entrent dans la structure, nous avons fermé les extrémités à l’aide de petites plaques métalliques de même nature. » Viennent les premiers assemblages par soudure à l’arc : « Nous nous sommes exercés sur des pièces non soumises à contrainte. » Des soudures sont ensuite effectuées pour le timon, la fourche, le mât et son pied, des éléments qui devront résister à une intense pression. Pour l’assemblage du timon, les barres en métal sont de différentes épaisseurs : « Conscients que nous aurions ce genre de problème, j’avais prévu un second type de liaison avec des renforts en acier boulonnés. » Après plusieurs tests, le mât et les deux sièges sont installés. Reste à hisser la voile, et c’est parti pour un premier essai sur la grande plage de l’île d’Oléron !
Premières soudures expliquées par Florian : « Le poste à souder était ancien, mais le masque de soudeur avec écran à cristaux liquides nous a permis d’effectuer des soudures d’une qualité supérieure à celle à laquelle nous nous attendions ».
Après découpes de la barre en métal qui sera placée au milieu de l’essieu, les problèmes commencent ! « La soudure est difficile : la barre se perce en plusieurs endroits… »
La fourche est, quant à elle, fabriquée à l’aide d’épaisses cornières en acier. « Les éléments sont positionnés les uns contre les autres. Cela nous permet de profiter de six cordons de soudure par connexion et d’admettre des erreurs de soudage ! »
La fabrication du châssis se poursuit. Toutes les surfaces sont protégées par une peinture anticorrosion et les extrémités des tubes bouchés pour empêcher toute pénétration d’eau de mer. Les renforts en acier non galvanisé sont simplement fixés par des points de soudure.
Après « l’échec » du soudage sur le timon, nos deux lecteurs préfèrent « un système de boulonnage ». En raison des pressions très importantes que va subir le char « le choix de la boulonnerie n’est pas à prendre à la légère. C’est la seule fourniture que nous avons achetée neuve. J’ai choisi des tiges filetées de 8 mm de diamètre en acier galvanisé. La finesse du filetage permet une force de serrage colossale. »
L’intensité des vibrations doit être, elle aussi, prise en compte : « Les rondelles à dents limitent le risque de desserrage. Les écrous autobloquants, quant à eux, disposent d’une bague plastique qui est écrasée lors du serrage, ce qui leur permet de résister aux vibrations. »
Le châssis est renforcé par des plaques en métal découpées sur mesure et fixées en sandwich entre les barres par des écrous autobloquants).
Le châssis est enfin terminé, les deux amis se félicitent ! Malgré quelques difficultés, le travail a été rondement mené.
L’essieu qui supporte les roues est assemblé de la même manière que le châssis, d’abord par soudures puis avec des boulons.
Après avoir préparé le support du mât, le pied est introduit en force sur le timon. « Malgré notre scepticisme, il résiste à de très fortes sollicitations en étant simplement « coincé ». Il sera fixé après avoir défini son emplacement par rapport aux sièges et à la fourche. »
Florian, lui, termine la fourche. « Deux épaisses plaques en aluminium sont usinées pour assurer le lien entre le châssis et la fourche. Pour éliminer le jeu entre les pièces, une entretoise traverse tour à tour une plaque, un roulement à billes, le timon, l’autre roulement et l’autre plaque. »
Deux roulements à billes de roues de karting permettent la rotation de la fourche : « Une fois le tube coupé à l’arase, une tige filetée de Ø 16 mm en acier inoxydable est introduite dans l’entretoise puis serrée par deux écrous. » La voile est ensuite montée pour déterminer le meilleur emplacement du mât.
Le bras de levier est fixé sur la fourche, une tige rigide permet ensuite de dériver la direction jusqu’au palonnier qui est provisoirement fixé. Le char est enfin prêt pour ses premiers essais !
Il ne reste que quelques heures pour terminer et tester le char. Quentin met en place les sièges fixés sur des tubes en aluminium pour éviter les risques de rouille.
À l’issue d’un premier essai, les tubes carrés des sièges ont cédé (ils seront remplacés par des tubes en acier), le palonnier a du jeu (un « capuchon » sera soudé à l’extrémité du support) et la fourche tourne trop (des cales viendront bloquer le rayon de braquage)… Après un nouvel essai durant lequel la barre de transmission de la direction sera renforcée, il reste à peindre le châssis. Le char à voile prendra ensuite le large pour de bon !