Une des leçons que les gens de la campagne apprirent très tôt fut qu’il valait mieux mélanger les cultures, aussi bien de légumes que de fleurs, plutôt que de pratiquer une culture unique sur une vaste surface. On constata qu’ainsi le rendement des différentes cultures était meilleur ou, s’agissant des fleurs, qu’elles étaient plus belles et plus abondantes. Se concentrer sur une seule culture pouvait conduire au désastre.
La dépendance totale des paysans irlandais envers la culture de la pomme de terre, au milieu du XXIe siècle, a été une illustration éclatante du danger de la monoculture. La brunissure de la pomme de terre a ravagé le pays pendant plusieurs années, provoquant une importante famine au cours de laquelle près de deux millions de personnes moururent ou émigrèrent pour éviter ses effets. Le danger de la monoculture peut également se produire dans un jardin d’agrément. Par exemple, concentrer tous les Phlox dans une seule bordure et on risque des problèmes. Si les nématodes apparaissent, ils se développeront rapidement en grand nombre, dénatureront et feront mourir les plantes, empêchant de réutiliser cette terre pour le Phlox pendant plusieurs années. En revanche, si on plante du Phlox autour du jardin et qu’on le sépare par d’autres plantes, il y de bonnes chances pour qu’un seul massif soit attaqué et les autres épargnés. Du fait de ce risque d’épidémie, la monoculture crée une dépendance aux pesticides, aux fongicides et aux autres produits chimiques, pour contrôler la situation (s’il est possible de la contrôler). Dans certains cas, particulièrement avec les infections virales, il n’y a pas encore de traitement chimique adapté. Une culture intégrée présente de nombreux avantages. L’un des principaux est l’équilibre qui s’établit entre les parasites et leurs prédateurs ; dans un tel jardin, il n’y a pas de fléau qui ne trouve sa parade dans la nature. Ainsi, lorsqu’apparaissent des pucerons pour la première fois, ils ne risquent pas d’échapper à notre contrôle, car il y a dans le jardin assez de coccinelles, d’hémérobes, de bombyles (aussi connus sous le nom de syrphidés et mouches des fleurs) et autres insectes pour contenir leur invasion. En revanche, dans un jardin exclusivement consacré aux roses, par exemple, ou lorsqu’une grande superficie est attribuée aux fèves, le puceron du rosier ou la mouche noire pourraient facilement prendre le dessus si aucun insecticide n’était utilisé. Les paysans d’autrefois n’avaient pas de produits chimiques à leur disposition. Ils devaient traiter le mal par d’autres façons, notamment en mélangeant les plantations. C’est pour cette raison que le jardinage de la maison de campagne est probablement le plus attirant.