En dénichant par hasard ce vieux pressoir, Laurent Gaillet n’a pas hésité une seconde : au plaisir de le restaurer s’ajoute celui de son utilisation à chaque automne.
Acheté 20 € dans une brocante, ce vieux pressoir à pommes de la marque Manufrance était complet mais dans un piètre état : éléments en bois abîmés et inutilisables, pièces du mécanisme en partie rouillées… Malgré l’étendue des dégâts, Laurent Gaillet décide de le refaire fonctionner.
La structure de ce pressoir en bois est classique : une vis énorme (tige filetée) est ancrée au centre d’un socle (ou maie) porté par un piètement. Ce socle est constitué de plusieurs pièces de bois juxtaposées et boulonnées entre elles par des tiges filetées de 10 mm de diamètre. Il comporte une rainure circulaire qui permet de récupérer le jus des pommes et de caler la claie. La claie est une sorte de cylindre sans fond composé de lames verticales assemblées par des cerclages métalliques à la façon d’un tonneau. Le jus récupéré est conduit vers l’extérieur par une goulotte prolongeant la rainure.
Les fruits sont placés à l’intérieur de la claie, éventuellement en strates séparées par des scourtins (tamis textiles ou synthétiques). Formé de deux pièces de bois façonnées en demi-lune, le couvercle est posé au-dessus. La pression à l’intérieur de la claie est obtenue en serrant l’écrou enfilé sur la tige filetée : manœuvrée à la main, la sellette de pressage (bloc de bois percé d’un trou et enfilé sur la tige) exerce une pression sur les deux cales en bois qui répercutent l’effort sur le couvercle du pressoir.
Bien que les éléments métalliques soient sains, il faut pourtant leur appliquer un traitement pour les débarrasser de la rouille. Presque toutes les pièces de bois sont à refaire : les nouvelles lattes sont fabriquées en hêtre, comme les précédentes. Les autres éléments d’origine sont en orme, un bois difficile à dénicher. Il est donc remplacé par du chêne (socle, sellette, cales et couvercle). Les trois éléments du socle sont percés transversalement avant collage à la perceuse à colonne (Ø 12 mm) pour permettre leur boulonnage. Le piétement en chêne est le seul élément conservé. Il est démonté et rafraîchi en quelques passes de dégauchisseuse.
Mieux vaut éviter les produits chimiques de composition inconnue pour désoxyder des éléments métalliques en contact avec les aliments. Outre le brossage mécanique, deux solutions économiques sont envisageables :
L’électrolyse : on utilise l’électricité pour convertir le métal oxydé en matériau sain (voir la fiche publiée dans le n° 704 de Système D)
Le bain d’acide citrique : il s’agit d’une poudreà diluer à raison d’une cuillerée à soupe par litre (disponible chez les fournisseurs de matériel de viticulture).
Dans les deux cas, la durée de trempage dépend de l’état d’oxydation. Les éléments sont ensuite peints et éventuellement badigeonnés d’huile alimentaire.
Les éléments en bois sont démontés et éliminés (claie, couvercle en demi-lunes, sellette et cales) à l’exception du piètement dont le bois n’entre pas en contact avec les fruits.
Les éléments métalliques (vis de pressoir, mécanisme et cerclages) sont récupérés, y compris la plaque de la marque stéphanoise, qui rendra toute son authenticité à l’appareil restauré.
Le nouveau socle (ou maie) est constitué de trois robustes pièces de chêne, rabotées et collées à plat joint puis boulonnées. Leur épaisseur est de 60 mm (contre 50 mm pour les pièces d’origine en orme).
La rainure du socle est usinée à la défonceuse montée en compas avec deux fraises : (une droite Ø 12 mm et une quart-de-rond Ø 6 mm). Un côté du socle est légèrement creusé pour déverser le jus.
La mise à dimensions du socle est effectuée (après rainurage), sur une scie à table suffisamment puissante pour cette pièce épaisse (attention : sur la photo, il manque la cape de lame obligatoire).
La marque du compas sert de repère pour percer le passage de la vis dans le socle. De part et d’autre, deux autres trous recevront les boulons de l’embase de la vis, cachés sous des bouchons.
Les demi-lunes du couvercle sont découpées à la défonceuse montée en compas. La fraise est plongée progressivement, passe après passe, jusqu’à traverser le bois de part en part.
Les demi-lunes étant toujours bridées avec des serre-joints, un trou correspondant au passage de la vis est percé simultanément dans les deux pièces avec une mèche à nœuds (Ø 32 mm).
Spécificité de ce pressoir : deux cales (percées d’un trou de Ø 32 mm) sont vissées et collées aux demi-lunes. Les vis sont noyées et cachées sous des chevilles de section 10 x 10 mm.
Comme les autres pièces, la sellette est percée en son centre (Ø 32 mm). Elle est surmontée d’une plaque métallique qui la protège du frottement de l’écrou.
Les lames sont vissées sur des cerclages récupérés, en veillant à aligner leurs extrémités. L’emploi de petites cales facilite l’espacement entre les lames (2 mm).