Quand il est question de cuisine, le mot “chef” désigne habituellement le maître es sublimation des goûts et des sens. Avant même d’exprimer ses qualités d’artiste devant les fourneaux, Lilian Blanc a mis son savoir-faire au service de son cadre de travail. Et la sauce a pris!
Niveau : Confirmé
Temps : 80 h
Coût : 2 000 € environ
Équipement : combinée à bois, scie à ruban, défonceuse, scie sauteuse, visseuse, perforateur.
Voir le plan de cette réalisation (en pdf) : cuisine de chef (plan de travail et meuble) : le plan
Lorsque la place disponible est suffisante, concevoir son équipement de cuisine est un véritable bonheur, Lilian Blanc nous le démontre ici avec brio. Sa cuisine prend place entre la porte d’entrée et la porte-fenêtre de la pièce. L’espace se trouve ainsi naturellement divisé en deux : d’un côté la préparation des repas, de l’autre le lieu où ils sont dégustés.
■ L’éclairage naturel privilégie le coin repas, atténuant la fonction “technique” de la cuisine par effet de contraste. La lumière reste néanmoins largement diffusée sur les plans de préparation et de cuisson. Seul regret dans cet aménagement, l’absence de réfrigérateur, installé dans une pièce annexe.
La conception de l’espace cuisine suit une logique évidente. Trois zones contiguës sont définies, entre lesquelles la communication est libre et immédiate. À gauche, un retour, placé dans le prolongement de la porte-fenêtre, assure la séparation avec le coin repas. Large de 255 cm et haut de 115 cm, il ne gêne ni l’accès à la cuisine ni la diffusion de la lumière venant de la porte-fenêtre.
■ Le plan de préparation carrelé, profond de 65 cm, est situé à 88 cm du sol. Il est surmonté d’une crédence, recouverte d’une tablette profonde de 32 cm pour 5,5 cm d’épaisseur. Le dessous est entièrement aménagé en rangements avec deux portes, trois tiroirs de 12 cm de haut et deux autres de 23,5 cm.
■ Il suffit d’un quart de tour vers la droite pour faire face au plan de cuisson, le plus court de tous puisqu’il ne mesure que 136 cm pour une profondeur de 60 cm. Il est surmonté d’une imposante hotte, large de 173 cm, installée à 164 cm de hauteur (76 cm au-dessus du plan de travail).
■ Les rangements sont ici encore généreux avec deux tiroirs larges de 23,5 x 66 cm en façade, deux plus petits de 14 x 26 cm et deux coulissants latéraux de 49 x 26 cm. Sous la plaque de cuisson, une fausse façade simule un cinquième tiroir.
■ La hotte, galbée sur l’avant et le côté gauche, est soulignée par une alèse moulurée. Elle est adossée sur sa droite contre une colonne de rangement, fermée en haut par deux portes vitrées et ouverte à sa base, sous le niveau du plan de travail.
■ Les portes font l’objet d’une réalisation soignée. Leur cadre est surmonté d’une corniche moulurée, tout comme la large traverse haute et le montant central.
■ La colonne fait le lien avec le dernier espace, centré sur l’évier. Le plan de travail mesure 235 cm de largeur par 86 cm de profondeur. La surface disponible de part et d’autre du bac est donc amplement suffisante pour entreposer la vaisselle.
■ En dessous, les deux placards sont étroits pour libérer un volume destiné au lave-vaisselle. Au-dessus, un placard haut simule un décrochement dans le mur. Sa base en arc surbaissé intègre des spots encastrés, orientés sur le plan de travail. La faible profondeur de l’ensemble, de 30 cm, ne gêne pas l’accès à l’évier.
■ L’espace cuisine est délimité par la colonne du four. Dans cette dernière, la continuité stylistique prend le pas sur le volume de rangement, restreint à une porte et un tiroir en bas, à une niche en haut. La tablette de cette dernière est délicatement soulignée par une moulure.
La réalisation d’une telle cuisine requiert avant tout une préparation minutieuse. Tous les éléments sont d’abord dessinés sur plan, une nécessité pour répartir et équilibrer les zones entre elles, puis établir les débits. Avant la mise en place, les réseaux électriques, l’arrivée d’eau et l’évacuation sont installés.
■ La construction se déroule en cinq grandes étapes : le montage des doublages et des structures, leur finition, la fabrication des portes, leur pose et le carrelage.
Les structures porteuses sont fabriquées en aggloméré CTB-H de 22 mm d’épaisseur, reconnaissable à la couleur verte de ses parements. Les bâtis des tiroirs, les cloisonnements et les rayonnages sont en aggloméré mélaminé blanc de 19 mm.
■ L’espace lavage est conçu comme un doublage des murs existants. Les différents panneaux, vissés face contre chant, sont assemblés en progressant de la gauche vers la droite et de bas en haut. Bien que l’ensemble soit autoporteur, les éléments verticaux sont par sécurité fixés au mur par des tasseaux vissés dans les angles. Les reprises de charge en partie basse sont assurées par les côtés des caissons de rangement, perpendiculaires au mur, et par les cadres d’habillage, vissés en applique. Leur association préserve l’ensemble des risques de déformation.
■ L’arc à la base du panneau de façade supérieur est découpé à la scie sauteuse. L’épaisseur est donnée par une feuille de contreplaqué souple de 5 mm, vissée sur le chant de la façade. L’emplacement des spots est préalablement découpé à la scie cloche.
Donner à la hotte sa forme galbée requiert beaucoup de soin. L’ossature comporte six couples en aggloméré, quatre pour la face avant et deux pour le côté gauche. De fins liteaux, cloués sur le chant des couples, referment le volume. Une grande attention est accordée à leur raccord dans l’angle, réalisé à main levée, au fur et à mesure du montage. Ce bâti reçoit à son tour le parement, en contreplaqué de 5 mm, également cloué. Le groupe d’extraction est installé dans la partie centrale de la hotte.
■ Le retour est terminé par une épaisse joue dont le chant supérieur reprend le profil de la moulure des portes, considérablement agrandi. Les parois de la joue sont ici encore deux couples en CTB-H qu’il sera prudent de découper simultanément, à la scie sauteuse ou à ruban. Contrairement à la hotte, la courbe est directement réalisée en contreplaqué souple, sans recourir à une ossature en lattes.
Très bien outillé, notre lecteur a entièrement réalisé les éléments en bois massif. Les portes et façades rapportées de tiroirs avec leurs encadrements, les plinthes et les corniches sont en châtaignier. La quincaillerie (poignées de portes, clefs et entrées de serrures, et fiches à lacet) est patinée à l’ancienne.
■ Les portes sont assemblées à profil contreprofil. Si les diverses moulures sont exécutées à la toupie, les cannelures sont poussées à la défonceuse, avec une fraise à gorge. Les traverses supérieures des portes basses sont rectilignes. Celles des portes hautes, plus larges, sont chantournées en demi-lune.
■ Les cadres des façades sont feuillurés à leur périphérie pour permettre leur insertion dans le bâti. La fixation se fait par vissage dans les chants. Les avant-trous sont percés à l’avance, mais la mise en place se fait après finitions .
Les façades et autres éléments en bois massif sont teintés en jaune et les moulures, les cannelures et les chants en orange. L’ensemble est protégé par deux couches de vernis polyuréthane. Un enduit de couleur ivoire recouvre les structures sauf la colonne du four, blanc mat. Les murs et les plans de travail sont habillés par un carrelage en grès jaune.
Le niveau de qualité atteint par cette réalisation ne peut pas être obtenu sans l’outillage approprié et un solide savoir-faire.
Il est à défaut possible d’en conserver le principe, en gardant l’idée de la structure, mais en l’équipant de portes de fabrication industrielle. Il en existe par exemple chez Lapeyre (“Garrigue” ou “Lubéron”, finition ivoire liséré brique), conçues pour un montage sur cadre similaire.
Toute la hauteur du mur est exploitée côté évier. Les montants de l’ossature ainsi que les tablettes du four et de la niche, en aggloméré CTB-H sont ancrés grâce à des tasseaux verticaux vissés dans les angles.
Sous l’évier, le plan de travail est supporté par le cloisonnement des rangements bas et par le panneau de façade. La cloison est installée en retrait du mur pour permettre le passage des tuyaux.
Un volume de rangement fermé par une vitrine occupe l’angle, reliant l’espace lavage au plan de cuisson. Sa façade est vissée aux montants, face contre chant, par des vis VBA disposées tous les 20 cm.
La forme de la hotte lui est conférée par des couples fixés au mur par des tasseaux. Sur la gauche, l’élément d’angle est galbé dans les deux sens pour raccorder les courbes du côté et de la face avant.
L’ossature de la hotte comporte trois sections : la hotte proprement dite et deux volumes qui l’encadrent. L’espace est refermé par des liteaux plats, cloués horizontalement sur le chant des couples.
Le raccord du côté gauche et de la face avant est réalisé liteau par liteau au fur et à mesure de leur pose. La découpe est réalisée à main levée à la scie égoïne, dans le prolongement des couples.
Les liteaux sont doublés d’une feuille de contreplaqué souple de 5 mm d’épaisseur. La face avant est d’abord clouée, puis les angles sont rectifiés au rabot avant pose du doublage sur le côté gauche.
Différentes techniques de finition sont utilisées. Sur la colonne du four, l’aggloméré est recouvert de deux couches de peinture blanche mate, appliquée au rouleau après enduisage des têtes de vis.
Un enduit traditionnel de couleur ivoire est retenu pour le reste de la structure. Il est appliqué à la spatule large afin de jouer sur les effets de matière. Deux couches sont nécessaires.
La hotte et l’intérieur du rangement surmontant l’évier reçoivent la même préparation que la colonne de four. L’intérieur de la vitrine et du rangement placé en dessous sont doublés de contreplaqué.
Les façades sont entièrement réalisées sur mesure (les protecteurs sont retirés pour la lisibilité de la photo). Portes et façades de tiroirs sont montées sur un cadre rapporté sur les bâtis des meubles .
Les portes sont assemblées par profil contreprofil. Bien qu’exigeant un réglage minutieux de la toupie, cette méthode simplifie beaucoup le montage comparativement aux traditionnels tenons et mortaises.
Les cadres des façades sont feuillurés par l’arrière, simplifiant leur intégration dans les panneaux de la structure. Après éventuel ajustage au rabot, ils sont simplement vissés par l’intérieur.
La vitre des portes est montée en feuillure pour éviter des découpes coûteuses. La parclose supérieure, à fleur du parement intérieur de la porte, est donc comme les trois autres parfaitement rectilignes.