Contre la maison que venait d’acheter Gérald Nardin, trônait un vieux four à pain. Les premières fournées eurent raison de la voûte dégradée par des années d’abandon. Prenant son courage à deux mains, notre lecteur a entrepris sa reconstruction complète.
Niveau : Débutant
Durée : 3 à 4 week-ends
Coût : 100 à 350 euros selon possibilités de récupération
Matériel : bétonnière, meuleuse, outils de maçon
Voir le plan de cette réalisation (en pdf) : Restaurer un four à pain : le plan
L’utilisation des fours à pains jusqu’à la révolution de 1789 donnait lieu à des impôts prélevés par les seigneurs. Devenus familiaux ou collectifs, ils contribuaient à la vie des villages et avaient une fonction sociale. Après la première guerre mondiale, leur utilité devint ponctuelle. Seuls subsistent les rescapés des rénovations et modernisations. Les restaurer tient du plaisir plus que de la nécessité. Mais leur remise en service permet de renouer avec des gestes oubliés qui ont valeur de qualité.
Chaque allumage du four provoquait une nouvelle dégradation et plusieurs tentatives de restauration se sont soldées par des échecs. Les intempéries et l’abandon avaient trop entamé la solidité de la construction. La décision fut donc prise : démolir et refaire à l’identique !
■ Démolition veut aussi dire observation : c’est l’occasion de repérer la méthode de construction car les procédures anciennes ne sont plus souvent d’usage. Pour acquérir encore plus de ces connaissances, adressez-vous, aussi, aux témoins de cet autre âge, friands de partager conseils et recommandations.
■ En matière de restauration, le plus efficace, et aussi le plus économique, consiste à travailler avec des matériaux de récupération. Si l’état des reliefs de l’ancien four ne le permet pas, reste la possibilité de chercher les matériaux aux alentours, même si toutes ces trouvailles demandent parfois du travail de réajustement ou de nettoyage avant usage, comme ici. Les briques d’une ancienne cheminée, décortiquée pour l’occasion, ont retrouvé une nouvelle vie. Dénichées au hasard des recherches, des molasses plates (pierres tendres, calcaires et argileuses du sud est de la France) feront office de sole. Le mâchefer et le sable sont négociés sur un chantier routier environnant.
Sur le plancher du four, heureusement préservé, une aire de 130 cm de diamètre est dessinée. Elle constitue une surface suffisante pour cuire quatre à cinq pains par fournée. La sole, constituée des molasses posées très ajustées, à sec, sans jointoiement, repose sur un lit de mâchefer de 5 cm d’épaisseur, réputé pour ses qualités de solidité et de résistance au feu. La présence d’une légère pente vers la porte facilite l’évacuation des braises.
■ L’entrée semi-circulaire du four, appelée “bouche”, est délimitée par un gabarit en volume de la future porte. Celui-ci est constitué de deux plaques d’aggloméré, reliées par une bande d’isorel cintré. La pose du gabarit permet de délimiter le départ de la couronne servant de semelle à la construction. Les trois premiers rangs de briques sont montés à plat au ciment réfractaire (Mercier, Weber & Broutin, Lafarge…) additionné de sable fin, comme tout le reste du four. L’habillage cintré de l’ouverture est réalisé simultanément à la construction du dôme.
■ Le principe de la construction sur moule consiste à lisser une forme en sable mouillé, sur laquelle est bâti le dôme. Au préalable, un film de polyane est étalé au fond pour protéger la sole. La forme souhaitée est donnée au sable en tassant bien à la truelle et à la lisseuse inox. Les briques du dôme sont alors montées, inclinées en “écailles”, en veillant à ce que les arêtes intérieures soient bien jointives. Au sommet, la clé de voûte, ferme le dôme et en garantit la tenue.
■ Son rôle est d’absorber toutes les forces et pressions dues à la construction en voûte. L’équivalent d’un cône tronqué à sa base est formé avec des demi-briques. Il est comblé de mortier bien tassé et le sommet est ainsi soigneusement jointoyé. Toute la face externe du four est égalisée au mortier et les briques de parement de la porte reliées à la surface du dôme par un boudin de ciment.
Après séchage, une couche de 3 cm de plâtre recouvre l’ensemble. L’inertie est renforcée par 30 cm de mâchefer et de terre. Trois jours d’attente sont nécessaires avant de retirer le gabarit et de vider le sable à la pelle. Le séchage final durera de six à dix semaines, mais la porte peut être posée. Faite maison en acier, comme ici, récupérée ou dénichée dans une brocante, protégez-la avec une peinture “haute température” (Véraline : noir de fumisterie, Julien…). Le cadre est scellé dans l’ouverture toujours au mortier réfractaire.
Inutile d’envisager une utilisation immédiate du four. Il faut le ménager, en commençant par quelques petites flambées qui auront l’avantage de parfaire le séchage en douceur. Ainsi sera-t-il fin prêt pour sa première cuisson ! Sarments de vigne, fagots et branches sèches constituent le matériau de chauffe. Il ne faut en revanche employer ni bois traité pouvant être toxique, ni résineux dégageant odeurs et substances désagréables.
■ Les fumées s’évacuent par le haut de la porte, tandis que l’air froid entrant en partie basse alimente le feu. La bonne température (environ 300 °C) est atteinte lorsque la voûte est blanche. Vérification : posez sur la sole un papier journal roulé en boule, il doit s’enflammer spontanément. Ou jetez-y un peu de farine : elle doit roussir sans brûler. Retirez alors braises et cendres. Enfournez les pains grâce à une longue pelle en bois, puis fermez la porte. Le temps de cuisson est proportionnel au poids des miches, surveillez-le !
■ Aux gourmands : les viandes aussi peuvent cuire au four et comme il reste chaud plusieurs heures, profitez des dernières calories emmagasinés pour y faire cuire tartes et gâteaux !
Sous les effets de l’eau et du gel, la voûte du four se délite et s’effondre. Sa démolition s’impose sans espoir de récupération, mais l’emplacement est exploitable car le plancher est en bon état.
Cinq molasses de 6 à 7 cm d’épaisseur sont retaillées à la scie pour les rendre bien jointives. Elles sont posées “à sec”, sans joints, sur un lit de mâchefer très tassé, pour former la sole (ou aire).
Délimité par la position de la future porte, le départ du cordon (ou couronne) du dôme se compose de trois rangées de briques montées en cercle au ciment réfractaire (fondu) et au sable tamisé.
La bouche (ou gueule), représentée ici par son gabarit, élément essentiel du four, sera habillée au fur et à mesure de la montée du dôme. Réservez-lui vos plus jolies briques.
Posez un film de polyane pour protéger la sole. Un dôme “plein”, en sable mouillé et soigneusement tassé, d’environ 0,6 m de hauteur, représente le volume du four et va servir de moule éphémère.
Montez les briques en prenant appui sur l’inclinaison du moule jusqu’à former un cercle conclu, au sommet, par une clé de voûte. Uniformisez le tout en maçonnant avec soin le pourtour de l’ouverture .
Réalisez une calotte de protection isolante : recouvrez le dôme d’une large couche de plâtre. Complétez par une bonne épaisseur de mâchefer et de terre. Trois jours plus tard, retirez le gabarit et le sable.
Laissez sécher six à dix semaines. Profitez de cette pause pour installer le cadre et la porte. Commencez par de petites flambées qui achèveront le séchage avant d’envisager une chauffe de cuisson.