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Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Soumis à l’épreuve du temps, cet enclos de basse-cour menaçait de s’affaisser. Démonté et restitué, il a retrouvé vie, utilité et beauté. Découvrons cette pratique simple mais savante qui consiste à assembler les pierres sans aucun liant !

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Conseil pratique


La beauté de la pierre sèche dépend de plusieurs facteurs : la qualité de l’appareillage, la justesse des proportions, l’harmonie minérale et la réflexion de la lumière sur les pierres.

Entre l’Auvergne et le Languedoc, la Haute-Loire occupe l’est du Massif central. Pour y pratiquer l’élevage, la culture des céréales et de la vigne, des générations de paysans ont aménagé les versants montagneux en terrasses. Au fil du temps, sous l’effet conjugué de l’exode rural et de la modernisation de l’agriculture, la plupart de ces témoins de l’adaptation de l’homme au milieu naturel tombent en ruine peu à peu.

Former pour sauvegarder

Soucieuse de sauver et valoriser ce patrimoine, l’association « Autour des Palhàs » organise des stages de restauration.
Animés et encadrés par Christian Omelhier, un des rares artisans spécialisés dans la pratique de la pierre sèche, ils offrent aux participants l’occasion de se former tout en faisant œuvre utile !

D’une durée de trois jours, ce chantier portait sur la reconstruction d’un muret délimitant un enclos autour d’une grange-étable dans le pittoresque village de Bousselargues. L’ouvrage, édifié sans doute entre les XVIIIe et XIXe siècles, est en grande partie éboulé.

Observer pour comprendre

Ce mur se compose de deux parements qui s’élèvent sur 80 cm environ. Sa partie centrale est comblée et stabilisé avec un blocage de petites pierres. L’ensemble est monté sans aucun liant.

 

Particularité : les parements sont montés avec une légère inclinaison vers l’intérieur, le « fruit » (la paret es clinada en occitan). Trois raisons expliquent cette façon de faire. Elle permet d’épauler les pierres les unes contre les autres, d’éviter qu’elles ne basculent vers l’extérieur et de faire converger l’eau de pluie à l’intérieur même du mur pour écouler vers la base. Ce principe explique pourquoi il est inutile de faire usage d’un liant.

 

Hormis une première assise de pierres (un peu plus large que les rangs suivants), ce muret ne comporte pas de fondation. Bâti sur un sol rocailleux et offrant une excel­lente stabilité (« pose inclinée » et épaisseur d’environ 70 cm), il ne nécessite pas de soubassement maçonné. Au contraire, une dalle de béton créerait une zone de rigidité interdisant tout mouvement.

Chercher la bonne pierre

Le mur est remonté, pour l’essentiel, avec ses propres pierres. Il s’agit de gneiss et de schistes, des roches métamorphiques plus ou moins grenues ou feuilletées. Elles se déclinent sous différentes formes : blocs sans faces régulières, prismes, parallélépi­pèdes dotés d’une ou plusieurs face(s) de parement et moellons. Au préalable, elles sont rassemblées, triées et regroupées en plusieurs tas. Cette démarche facilite la recherche de la « bonne pierre » durant le chantier !

 

En règle générale, les pierres les plus grosses (et les plus lourdes ) sont placées à la base du mur, les plus petites réservées à l’élévation. Toutefois, il est conseillé d’en conserver quelques-unes (notamment les plus longues), pour les utiliser comme « pierres traversantes » afin de solidariser les deux parements.

 

Dans la pratique, il faut trouver pour chaque pierre de parement la meilleure place de sorte qu’elle s’emboîte le mieux possible dans les autres. Une fois posés, les blocs ne doivent pas pouvoir bouger de quelques millimètres, chacun étant stabilisé dans toutes les directions.

Combler les vides

À mesure que les rangs sont élevés, il faut veiller à ce que les pierres soient « mariées » dans l’œuvre, c’est-à-dire montées à joints croisés pour ne pas créer de « coups de sabre » (superposition des joints), qui fragiliseraient l’ouvrage. Toutefois, lorsque des pierres s’ajustent bien mais laissent, ici et là, deux joints alignés, on peut le tolérer à condition de les croiser au rang suivant.


Les vides entre les deux parements sont comblés avec de plus petits morceaux. On parle de « blocage » (chasum). La méthode consiste à placer des pierres afin qu’elles s’emboîtent et s’entrecroisent. Comme celle des parements, elles sont légèrement inclinées vers l’intérieur pour bien se caler.

 

Des pierres traversantes sont employées de temps à autre pour solidariser les deux faces. Épousant parfois toute l’épaisseur du mur, ces « boutisses » (bròcha), joignent les deux parements « boutisses parpainges ». Mais c’est rare ! Le plus souvent, elles sont plus courtes et n’en constituent qu’un seul.

Couronner en beauté

Le couronnement du mur répond à trois préoccupations : esthétique (terminer l’ouvrage avec élégance), statique (charger le sommet pour l’empêcher de se déchausser), technique (le protéger de l’érosion pluviale, de la colonisation végétale et du passage des animaux).

La technique consiste à poser d’épaisses dalles aussi larges que le mur, les « couvertines » (acaptas), en cherchant la meilleure stabilité possible. Comme précédemment, les « vides » sont comblés avec des pierres plus petites.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les pierres éboulées sont regroupées, triées (suivant leurs formes et dimensions), et stockées en tas. Cette préparation facilite la recherche de la « bonne pierre » et évite des allers et venues !

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les parements des deux rangées sont posés légèrement inclinés vers l’intérieur (fruit). Ils montent l’un vers l’autre en s’épaulant pour offrir une parfaite stabilité.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Des piquets sont plantés aux angles du mur à reconstruite. Des cordeaux (« guides » ou « guidard ») sont tendus entre eux pour matérialiser les lignes, le volume et l’inclinaison du mur.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les pierres sont bloquées en recherchant la meilleure imbrication. La main appuie sur la tête de la pierre pour l’emboîter dans les autres. Des petits éclats aident à la bloquer

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les blocs présentant une structure « feuilletée » peuvent être clivés au ciseau en plus petites plaques si nécessaire pour s’ajuster le mieux possible avec les autres.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les deux parements et le blocage interne sont reliés régulièrement par des pierres traversantes (dotées d’une face régulière) pour éviter qu’ils ne se désolidarisent.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les angles du mur sont renforcés avec de gros blocs qui font office de « chaînes d’angle ». Comme des contreforts, ils retiennent les parements et le blocage.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Le blocage interne doit être soigné. S’il est réalisé à la hâte, le mur peut prendre du ventre et chasser les pierres vers l’extérieur, jusqu’à l’affaissement.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Exceptionnellement, quelques pierres longues ou « panneresses »  peuvent être placées sur le mur. Elles se posent dans le sens de la longueur avec une légère inclinaison.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les pierres les plus grosses sont placées à la base du mur, les plus petites étant réservées à l’élévation. On peut toutefois en conserver quelques-unes pour « lester » les rangs supérieurs.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Des dalles récupérées à la faveur d’un terrassement sont apportées sur le chantier à l’aide d’un tracteur. Elles sont chargées et déchargées avec précaution.

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Hissées à deux, trois ou quatre personnes (suivant la taille et le poids !), les dalles se posent en cherchant la meilleure stabilité possible. Attention de ne pas les lâcher brutalement !

Comment bien rebâtir un mur en pierre sèche ?

Les « vides » entre les dalles et le sommet des parements sont comblés avec des pierres pour garantir une répartition uniforme des charges et éviter tout basculement.


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