Il aura fallu quatre ans à Patrick Desire et son fils pour fabriquer l’avion de leur rêve. Et assouvir une passion commune : voler. Une construction méthodique où chaque élément a été vérifié pour assurer le plaisir en toute sécurité.
Sa passion pour l’aviation, Patrick Desire la cultive d’abord avec la construction de maquettes. Puis le hasard s’en mêle : « Après un déménagement, il y a presque vingt ans, je passais deux fois par jour devant un aérodrome, situé entre mon lieu de travail et mon domicile… Je m’y suis arrêté et j’ai passé mon brevet de pilote. » Au fil du temps, notre lecteur, ingénieur des Arts et Métiers, et d’autres passionnés décident de construire un avion pour le club. « L’avion a pris son envol en 2000 et il vole toujours ! » Mais le résultat est loin d’assouvir sa passion. « Cette première expérience m’a donné envie de réaliser quelque chose pour moi. » D’autant qu’un de ces fils a, lui aussi, « attrapé le virus ». Ils se lancent ensemble dans l’aventure. Elle va durer quatre ans et nécessité un budget de 23 000 €…
Si la minutie, la rigueur et la patience font partie des qualités requises pour mener à bien une telle entreprise, des qualifications particulières semblent a priori indispensables. La sécurité, entre autres, est un élément déterminant : pour voler, tout appareil doit être déclaré à la Direction générale de l’Aviation civile (DGAC). Mais pour notre lecteur, l’opération est moins complexe qu’elle n’y paraît : « C’est une construction relativement simple à réaliser pour un bon bricoleur. » Il faut aussi aimer travailler le bois. Par chance, l’autre passion de Patrick Desire est la menuiserie ! La première question à se poser avant de se lancer est : quel type d’avion veut-on réaliser ? « Pour ce genre de projet, deux options sont possibles. Soit on fait tout soi-même, soit on utilise des plans disponibles. » Notre lecteur choisit la seconde solution : « Les plans m’ont été fournis pas le Réseau des sports aériens (RSA). Il faut tout étudier : le fuselage, les ailes, les commandes de mouvement, les câblages électriques… » Un examen méthodique, qui exige beaucoup de temps.
L’étude des plans « digérée », la construction de l’avion débute par la réalisation des ailes et de la « cellule » (l’habitacle et la partie structurelle de l’avion). Les pièces de bois sont découpées puis collées entre elles pour former des sous-ensembles, à leur tour assemblés. La qualité du bois est essentielle : « La structure est en pin de l’Oregon, une essence qui présente un faible poids et une bonne résistance à la flexion, deux caractéristiques importantes. J’ai aussi utilisé des contreplaqués pour l’industrie aéronautique. Ils ont davantage de plis, ce qui leur apporte une grande rigidité. » Les colles sont aussi spécifiques à la construction aéronautique. Autre élément capital : « En cas de problème, j’ai conservé des « éprouvettes » (pièces utilisées pour un essai, Ndlr). »
La rigidité est apportée par la toile en Dacron (fibre polyester) : « Collée à la structure, elle est ensuite tendue en la chauffant avec un fer à repasser. » Reste à installer le moteur, à fabriquer le tableau de bord, le train d’atterrissage… Vient le temps des premiers essais, « avec le cœur qui bat ». Puis enfin le premier envol. Les mots cèdent alors la place au seul instant présent…
Les plans fournis par la Fédération RSA (Réseau des sports de l’air) ont exigé une longue période d’étude. Ailes, fuselage, câblage... tout a été examiné avec minutie.
La construction des ailes s’est déroulée en plusieurs étapes : « Il s’agit d’un assemblage en trois dimensions », explique Patrick Desire. Les « couples » sont reliés par des lisses qui servent de renforts et d’attaches. L’encollage avec des colles spéciales est primordial pour la tenue de l’ensemble. Un travail d’ébéniste…
La « cellule » réunissant l’habitacle et la partie structurelle de l’avion, est, elle aussi, entièrement réalisée en bois. Les tasseaux en pin d’Oregon (section 18 x 18 mm) sont assemblés en treillis. D’autre bois durs sont utilisés, tel le hêtre pour les points d’ancrage des ailes sur la cellule.
La structure en pin de l’habitacle est recouverte d’un contreplaqué employé en aéronautique de 3 à 5 mm. Tout est calculé au millimètre. Le poids est également vérifié : pour obtenir la classification ULM (ultra léger motorisé), l’ensemble ne doit pas dépasser 270 kg sans passager, et jusqu’à 450 kg avec. Or « on a tendance à augmenter la section des pièces au détriment du poids », précise notre lecteur.
L’encollage est « une étape importante et un vrai moment de convivialité car on était quatre pour le réaliser », se souvient notre lecteur. Après séchage de la colle appliquée sur bois, la toile découpée est positionnée et fixée en « tamponnant » un pinceau garni de colle sur la surface ; colle qui « doit traverser la toile pour réactiver celle préalablement déposée sur le bois. » La toile thermo-rétractable a été tendue à l’aide d’un fer à repasser. Une étape cruciale, qui permet
de rigidifier l’ensemble : « Il y a un petit geste technique à acquérir. L’objectif est d’arriver à tendre la toile comme une peau de tambour. »
Pièce maîtresse, le moteur de 80 CV à quatre cylindres est neuf par souci de sécurité. « Il est positionné suivant un certain angle pour contrecarrer l’effet gyroscopique. » L’axe du vilebrequin n’est pas parallèle à celui du fuselage. Il est soudé des tubes acier très rigides (25 Cd 45), boulonnés dans la structure bois.
Légèreté oblige, le capot du moteur est réalisé sur mesure en résine polyester. Conçu par notre lecteur, le moule a été adapté à la configuration du moteur. Une pièce complexe, d’un seul tenant avec trappe d’accès, impossible à construire en contreplaqué, et dont la réalisation exige une extrême précision.
Le réservoir est l’objet de toutes les attentions. « Cette pièce exige du sérieux. Il faut faire appel à un spécialiste qui sait souder la tôle d’aluminium. »
En tôle pliée, le tableau de bord est réalisé sur mesure. Tout est installé selon le schéma électrique. La plupart des instruments, neufs ou d’occasion, proviennent de l’industrie automobile.
« Un avion, c’est un peu comme une balance, il y a un point d’équilibre à atteindre », explique Patrick Desire.
La verrière du cockpit doit assurer une vision quasi panoramique. Achetée neuve, elle est montée sur une structure en bois et pivote sur un axe : un vérin pneumatique de coffre de voiture la maintient ouverte ; elle se ferme solidement grâce à une serrure à grenouillère. Boulonné à la cellule, le train d’atterrissage est fabriqué à l’aide d’un plat en aluminium cintré, pour une question de poids. Les roues neuves sont équipées de freins à disques.
Aidé par l’un de ses fils féru d’aviation, notre lecteur pulvérise deux couches de peinture pour l’industrie aéronautique sur le bois et la toile. Les couleurs retenues sont rouge et blanc.
Le temps des premiers essais de roulage « pour prendre l’avion en main », raconte Patrick Désire. Préludes au grand saut, des sauts de puce « pour voir son comportement en phase de décollage et d’atterrissage ».
L’arrivée de l’avion sur l’aérodrome, un grand moment d’émotion. Une étape où il faut aussi remonter les ailes et vérifier une dernière fois tous les assemblages, sécurité oblige.
Le temps est venu d’attacher les ceintures !